Transcription de la vidéo du webinaire « Handicap et anxiété : comment réaliser un programme d’habituation aux soins ? »
- Stéphanie Baz :
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Bonjour à tous. Bienvenue à ce webinaire organisé par Coactis Santé sur l’habituation au soin et comment réaliser un programme d’habituation au soin. Merci à tous pour votre intérêt. Je suis ravie de vous retrouver je vous remercie d’avoir partagé l’information. Merci à nos partenaires, merci à vous de vous être inscrits. Nous avons eu plus de 1200 personnes inscrites. Merci à tous. J’insiste car nous avons lancé ce cycle de webinaire en début d’année, il y a maintenant une sorte de réflexe sur ces webinaires. Quelques informations pratiques, nous sommes ensemble pour une durée d’une heure. Ce webinaire est enregistré, il sera disponible en replay dans quelques jours. Vous pouvez poser vos questions par écrit tout au long de ce webinaire, les co-déléguées de l’association vont vous répondre. N’hésitez pas à faire part de vos questions par écrit. Merci à l’équipe technique, merci à l’équipe de la vélotypie et merci à la langue des signes qui sont là tout au long de notre webinaire. Surtout, merci à nos deux intervenantes, à notre intervenante principale, le docteur Claire Masson du centre ressource autisme de Bordeaux. Elle vous fera un exposé sur l’habituation au soin.
Nous aurons aussi la participation de Madame Aude Pinard Legry qui est infirmière et qui nous fera part de son témoignage, de sa pratique au quotidien.
J’aimerais commencer par une courte définition de ce qu’est l’habituation au soin et vous présenter notre association, Coactis Santé qui agit pour la santé des personnes en situation de handicap depuis 2010 maintenant. Je vais vous donner une définition de l’habituation au soin qui est un temps distinct du soin qui va être réalisé. Elle vise à apprendre les séquences d’un soin à une personne en fonction de ses capacités ou de ses limitations. C’est une méthode sans douleur qui respecte l’intimité du patient. Le but étant de réaliser un soin sans l’opposition de la personne. C’est un enjeu de santé public. Cette définition vient de notre fiche conseil HandiConnect. C’est un site qui propose des fiches conseils, l’accès à l’expertise. Nous mettons l’accent sur cette fiche que vous pouvez télécharger qui vous explique, étape par étape comment réaliser une séance d’habituation aux soins. Vous avez un modèle de séquençage, par exemple pour l’utilisation du Meopa ici. Cela vous permet de réaliser une séance d’habituation au soin plus facilement. Vous avez aussi une vidéo de 4 minutes que vous retrouvez sur le site d’HandiConnect.
Notre deuxième solution, c’est SantéBD, ça permet d’expliquer la santé, un soin facilement. Toutes les SantéBD peuvent vous être utiles pour une séance d’habituation au soin. Toutes les BD peuvent être utile pour expliquer et faciliter la communication avec le patient. Ce sont des illustrations qui sont très facile d’accès. Dans la même veine, vous avez la banque d’images de SantéBD. Nous proposons plus de 20 000 images sur notre site pour tous de manière gratuite. Merci à tous nos partenaires sans qui nous n’aurions pas pu vous proposer ces outils. Pour démarrer, j’aimerais vous proposer une courte vidéo de 3 minutes, un extrait d’une vidéo qui nous a été proposé par l’association OHS de Lorraine que nous remercions. Merci à eux pour cette vidéo qui montre les séances d’habituation aux soins avec trois patients différents.
Une vidéo est présentée
- L’habituation aux soins est réalisée de façon hebdomadaire. Son but est d’habituer les personnes ayant peur des soins d’être examinée.
- Patience, douceur et calme sont indispensables.
- Encore un peu.
- Nous pouvons utiliser des jouets.
- Qu’est-ce que c’est ça ?
- Qu’est-ce qu’on écoute ? Tu écoutes toi ? Tu le mets ?
- Laissez l’enfant découvrir le matériel médical.
- J’écoute dessous, je soulève…
- Il faut éviter d’être intrusif, expliquer, rassurer et encourager le jeune. Voilà Ella qui a intégré ce programme il y a deux ans. En fonction du jeune et de l’état d’avancement du programme d’habituation au soin, on réalise un ou plusieurs actes de soin. Il convient de toujours terminer la séance par un soin acquis par le jeune.
- Au tour d’Enora, jumelle de Maéva.
- C’est froid !
- Je pose doucement.
- C’est gelé.
- Je chauffe les mains.
- C’est glacé.
- On attend que le jeune exprime son adhésion au soin.
- Qu’est-ce que c’est ?
- C’est une compresse.
- Pour réaliser les pansements, nous habituons l’enfant au contact d’une compresse sèche puis humide.
- Visiblement, Enora est déjà habituée aux caméras.
- Je vais toucher les oreilles.
- C’est à Joris, il semble se plaindre d’avoir mal aux oreilles, impossible pour notre médecin de l’examiner, il a donc intégré le programme depuis un an. Nous arrivons désormais à lui toucher les oreilles. Il est sensible aux caresses, nous utilisons ce mode d’approche.
- C’est froid ?
- L’ultime étape consiste à lui prendre une température auriculaire. Regardez comme il semble en confiance.
- Une dernière fois et on arrête.
- Stéphanie Baz :
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Merci beaucoup, merci encore à l’OHS de Lorraine pour cette vidéo. Merci à tous les participants. Je donne la parole au docteur Claire Masson.
- Claire Masson :
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Bonjour à tous. On va pouvoir passer un petit temps ensemble pour détailler l’habituation aux soins. On va commencer déjà par revenir un peu sur les enjeux de santé justement, l’importance de l’habituation aux soins. En fait, elle s’adresse à une population qui a un sous-diagnostic des pathologies somatiques qui sont présentes. Pour plusieurs causes. Il y a des causes qui sont liées à la personne. La personne en situation de handicap peut avoir une difficulté à ressentir, analyser, transmettre la douleur. Elle peut aussi être anxieuse et réticente à participer au soin. Il y a aussi parfois des expériences passées avec le soin qui ont été difficiles pour la personne. Il peut y avoir aussi des causes qui sont liées à l’entourage pour les proches, les familles qui peuvent avoir un épuisement pour aller prendre rendez-vous pour les soins. Parfois, il y a des obstacles pour l’accessibilité physique, la prise de rendez-vous, l’accompagnement au rendez-vous, le regard des autres, les autres patients ou les professionnels de santé qui ne sont pas formés à différents types de handicap. Si leur proche a vécu des expériences qui se sont mal passées ou si des soins se sont mal passés, c’est difficile de se reconfronter au soin, c’est difficile à vivre pour les proches également. Il y a aussi des causes qui sont liées aux professionnels de santé qui en général ont peu de connaissances sur le handicap. Il y a peu de formation pour les problèmes de santé, les médecins, les infirmiers, tous les professionnels de santé ne connaissent pas tous les types de handicap et pas toutes les approches spécifiques. Ils ont aussi un manque de temps. Ce type de consultation nécessite souvent une consultation plus longue, des informations en amont. Malheureusement ce temps qui sera nécessaire n’est pas forcément disponible pour les professionnels de santé, sachant qu’on manque de professionnels de santé. Pour beaucoup, ils expriment une peur de mal faire. Ils ne savent pas comment s’y prendre. Par peur de mal faire, ils n’osent pas faire. Ça peut être également un frein pour les consultations des personnes en situation de handicap. Comment faire pour améliorer les choses ? Il y aura deux approches qu’on va pouvoir envisager. Il y aura la préparation aux soins, ça va s’adresser aux personnes en situation de handicap qui ont la meilleure capacité de compréhension. C’est ceux qui vont pouvoir comprendre le soin qui va s’adresser à eux. Donc on va utiliser des outils qui vont donner de la prévisibilité sur le soin, ça va limiter l’angoisse de la personne. Ça peut être sous forme de texte comme avec SantéBD, ça peut être des vidéos, des dessins. Il y a plusieurs choses qui existent. On le verra à la fin, on va vous présenter les différentes ressources qui permettront de comprendre le soin.
Pour les autres, pour les personnes en situation de handicap qui auraient des moindres capacités de compréhension, là on va utiliser l’habituation aux soins. Ce n’est pas seulement expliquer le soin, c’est vraiment expérimenter les différentes étapes du soin. Ça va s’adresser à ceux qui ont des petits niveaux de compréhension et des gens qui ont une véritable phobie du soin. C’est vraiment une peur intense par exemple pour l’aiguille pour la prise de sang. Ça va bien fonctionner. Elle est particulièrement indiquée pour les personnes porteuses de troubles du spectre autistique, ça permet de s’ajuster aux particularités sensorielles de ces personnes, ça répond aussi à la question de la rigidité à tout ce qui est nouveau. Ça va contrer la rigidité par rapport à la nouveauté. Ça permet de répondre aux difficultés de compréhension. Ça fonctionne bien. C’est une technique qui est inspirée des techniques comportementales qui sont utilisées dans les phobies. Le principe va être de faire une exposition progressive au lieu de soin, aux objets et aux professionnels qui vont réaliser le soin. Comme vous le voyez sur les vignettes de BD, c’est la même approche qu’avez l’épouvantail. Au début, il va faire peur, les oiseaux vont partir. Petit à petit, ils vont se rapprocher, ils vont voir qu’il ne se passe rien. Petit à petit ils vont se rapprocher et il va perdre son côté anxiogène qui ferait partir les oiseaux. On va faire la même chose pour les personnes en situation de handicap. On va utiliser les outils du soin. Ce qu’on voyait sur la vidéo, initialement, c’étaient des jouets qui étaient utilisés sur la première approche. Ce qui est important, c’est d’utiliser les outils du soin. Souvent pour les personnes avec troubles du spectre autistique, ils ont un défaut de généralisation, pour éviter cela, on va utiliser les outils de soin. C’est l’intérêt d’utiliser les outils de soin que vous avez en tant que professionnel ou bien de mallettes qui vont regrouper des vrais outils de soin. On va tenir compte des particularités sensorielles chez les personnes avec un troubles du spectre autistique ou les personnes avec un trouble du développement intellectuel. Tout ce qui est sensoriel va avoir une importance prédominante dans leur développement. Si on ne tient pas compte de ça, quelque chose comme l’odeur sur une compresse ou quelque chose qui soit froid au toucher, ça peut repousser une personne qui n’y était pas préparé.Enfin, il est primordial d’utiliser des renforçateurs. C’est quelque chose qu’on va utiliser pour motiver une personne à faire quelque chose de nouveau. C’est quelque chose qui va la mettre en difficulté, cela va lui demander un effort. Il faut la motiver et la récompenser de cet effort. Elle ne sait pas que ce soin sera quelque chose qui sera bénéfique pour elle, il faut la motiver pour faire cet effort. Il y a plusieurs types de renforçateurs qui existent. Un renforçateur est bon à partir du moment où il marche pour la personne. Il y a des renforçateurs qui vont être dit primaires, c’est tout ce qui va être consommable, des boissons, des choses alimentaires. Quand c’est consommable, ce sont des choses qui ne sont pas forcément bonnes pour la santé. Mais ce qu’on cherche c’est le côté renforçateur. Quand on a passé une mauvaise journée, le soir on ne se dit pas : super, je vais me faire des légumes vapeur. Ce n’est pas ça qui nous remonte le moral. C’est pareil, c’est quelque chose qui va être utile pour motiver la personne. Après, il y a les renforçateurs secondaires qui sont de l’ordre des activités. Ça peut être écouter une musique, regarder une vidéo, faire un jeu vidéo, lire un livre. Et il y a les renforçateurs tertiaires qui sont sociaux, qui vont être du niveau de l’interaction. Soit un temps individuel avec une personne ou bien un renforçateur sur la verbalisation. Ça peut bien fonctionner pour certaines personnes.
On va détailler un peu la mallette Kapass, c’est le kit d’accès et de préparation aux soins somatiques. Elle a été développée par une association en partenariat avec le CRA Aquitaine. Et donc, cette mallette, c’est la petite sacoche rouge que vous voyez à l’écran. Elle contient un guide méthodologique, un livret qui présente le contenu du kit, un livret explicatif pour réaliser une habituation aux soins. Elle contient des fiches pratiques détaillées pour chaque catégorie de soin. Il y a des petits soins comme les pansements et les autres soins, médecin généraliste, dentiste, etc. Dans la mallette, vous avez aussi le matériel médical, les principales choses qui peuvent servir. Il y a un stéthoscope, des gants, des charlottes. Tout ce qui va être nécessaire pour le soin.Il y a aussi une banque de données, des images, des photos et des dessins qui vont permettre de faire les séquençages des visuels qui vont accompagner le soin. Ils sont en version papier et numérique sur clé USB. Sur la clé USB il y a la banque de données, les fiches des différents soins et également une banque de données auditive pour les soins qui auraient des sons associés comme le scanner, l’IRM, des sons particuliers.
Au niveau de la méthodologie, pour les différentes séquences de l’habituation au soin, le prérequis c’est d’identifier les attentes de la personne ou ses besoins. Si la personne a déjà vécu ces soins, est-ce que ça c’est bien ou mal passé ? Pourquoi ? Il y a eu un soin sous contention ou pas du tout ?
Ça nous permet de savoir si l’habituation va être rapide ou un peu plus longue.
Ça peut se faire aussi en fonction des soins qui sont prévus. Par exemple si on se dit que la personne n’arrive pas à se brosser les dents et donc on se dit que le rendez-vous chez le dentiste, ça va être compliqué. Ça va se faire en fonction de la disponibilité des professionnels ou des proches qui vont pouvoir travailler l’habituation au soin. C’est quelque chose qui va devoir se faire de façon répétée. Le faire deux fois par mois ou tous les jours, ça va être différent et les progrès ne seront pas les mêmes. Une fois qu’on a identifié tout ça, on va décomposer le soin étape par étape pour pouvoir après voir ce qui va poser le plus de difficulté à la personne. Vous avez un petit exemple sur le côté, c’est pour un pansement. Il y a quatre étapes, ça peut-être plus ou moins long en fonction du soin. Avec la personne, on va essayer les différentes étapes. On va voir quelques sont les étapes qui posent problème et essayer d’identifier les difficultés. A chaque étape, c’est un peu plus détaillé, pour d’autres soins, il peut y avoir des matériels différents en fonction des étapes. On va proposer la manipulation du matériel à la personne. Souvent la compréhension de l’objet ne passe que par la manipulation de l’objet en lui-même pour se rendre compte que ça ne fait pas mal. Souvent, on fait une démonstration sur une autre personne de comment on utilise l’appareil, le matériel pour chaque étape et que la personne puisse se rendre compte de ce que ça fait sur quelqu’un d’autre. Et puis on va essayer de le faire sur la personne. L’idée, ça va être de répéter ses étapes jusqu’à ce que la personne puisse accepter ces étapes sans douleur, sans mouvement de retrait. Tout l’intérêt, c’est qu’on ait une tolérance du soin pour passer les différentes étapes de l’habituation. Comme je le disais tout à l’heure, on va utiliser un renforçateur à chaque fois qu’on voit que l’étape coûte à la personne, que c’est compliqué pour elle. On va essayer de la motiver à passer l’étape en utilisant le renforçateur. Une fois que les différentes étapes sont bien acceptées, on va essayer de les enchaîner les unes après les autres et on passe à une phase de généralisation de l’apprentissage, c’est important pour les personnes avec des troubles du spectre autistique pour qui ça ne va pas de soi que ce qu’on va travailler avec l’infirmière ça sera la même chose avec le professionnel de santé dans son cabinet avec un matériel peut-être un peu différent. C’est faire la même étape avec des personnes différentes dans un lieu différent avec du matériel un peu différent pour que ça puisse être possible partout.Là, on va vous proposer une vidéo pour vous montrer un peu une habituation aux soins qui a pu avoir lieu. C’était le cas d’un enfant porteur d’un troubles du spectre autistique, non verbal. Il avait un fonctionnement très sensoriel, il était beaucoup dans la déambulation et dans le fait de passer de différentes activités sensorielles sans s’asseoir. Cette habituation aux soins a été faite à la demande de sa pédopsychiatre en vue de commencer un traitement pour ce garçon. Là, c’était sur la fin de l’habituation aux soins. Initialement, on avait commencé avec mon collègue à faire ces séances sur le lieu de prise en charge, on a fait l’étape de démonstration du matériel. On lui a montré les différentes étapes. Dans un deuxième temps, l’éducatrice avait repris elle-même les étapes pour le faire de façon plus régulière car on ne pouvait pas se déplacer tout le temps.
Après, dans un troisième temps, la maman a aussi répété les étapes à domicile. Ça lui a rappelé plus facilement ce qu’on allait lui demander. Ça a pu être plus régulier. Vous allez voir la séance sur la fin d’habituation quand il arrive assez bien à enchaîner les étapes dans un lieu différent du lieu où il avait travaillé l’habituation aux soins.Une vidéo est présentée:
- On y va ? Super !
- Ce n’est pas la salle de d’habitude.
- Nous travaillons à la réalisation d’un prélèvement sanguin. Les difficultés pour Mohamed sont en lien avec le fait qu’il a du mal à rester en place, il a du mal à garder la position pendant un certain temps. Et également, la douleur génère chez lui un type de déambulation.
- C’est pourquoi pour l’habituation aux soins de Mohamed nous travaillons également à l’administration du gaz Meopa pour permettre qu’il se détende et que le prélèvement puisse se faire sans qu’il bouge le bras.
- Dans un premier temps, nous avons travaillé l’administration du gaz, ce qui impliquait le fait de rester assis. Petit à petit nous avons augmenté la durée pendant laquelle il a toléré le masque et le gaz jusqu’à ce que l’effet soit visible sur lui. Puis nous avons travaillé les différentes étapes du prélèvement, tolérer le garrot, la compresse humide avec l’odeur d’alcool.
- Je ne le vois que deux fois par semaine, ce qui est important c’est de transmettre à la maman ce qui a été observé pour qu’elle puisse le refaire. Mohamed, il aime le contact tactile mais pas n’importe lequel, le garrot, ça ne lui plaisait pas. On lui a montré ce que c’était, on lui a posé sans presser puis petit à petit on a augmenté la pression. C’est par étape qu’on a procédé. Maintenant il accepte le contact du masque sur le visage, le gaz, il accepte d’être assis avec le bras tendu et le contact sur le bras. Sa maman a beaucoup travaillé avec des chatouilles.
- En ce moment, les différentes étapes sont bien acceptées, nous sommes en train de les associer entre elles dans le but que Mohamed puisse avoir son prélèvement sanguin prochainement.
- On fait une coupure au milieu de la vidéo. Ce ne sont pas tout à fait les conditions de l’habituation aux soins habituelles, il y a les conditions du tournage. Il était un peu moins disponible que les autres séances. Il y avait le cameraman, un spot, la personne qui prenait les séquences, on était dans une salle différente avec un environnement différent. Malgré tout, on voit quand même qu’il accepte, il connaît les étapes. Quand il voit le matériel, il sait ce qu’on attend de lui. Quand il voit le masque, il tend un peu la tête, il a compris ce qu’on attendait de lui et il accepte de passer les étapes. De la même façon, on a fait un peu plus de commentaires, comme ce sont les conditions du tournage. On ne le fait pas d’habitude car pour Mohamed, la compréhension verbale, ce n’est pas trop ce qui l’aidait. Habituellement, pendant les séances, on va plutôt utiliser le matériel et du pointage, des pictogrammes même s’il ne les connaissait pas trop encore. Essentiellement, c’était du pointage. On n’a pas besoin de beaucoup parler, l’habituation c’est pour les personnes qui ont des petits niveaux de compréhension. L’information verbale va apporter de la confusion et ne va pas aider.
- Voilà, je vous laisse découvrir la fin de la vidéo.
- Aujourd’hui, on voit que Mohamed se dirige vers le fauteuil de prélèvement où il s’assoit. Il est prêt à recevoir le gaz, il tend la tête quand il voit le masque. Il tend aussi son bras dès qu’il voit le garrot.
- L’évolution est constante. Ce qu’il a appris, il ne l’oublie pas la fois d’après. Il continue à progresser sur la durée, la multiplicité des actes.
- Il n’a pas pour le moment de notion de durée et de temps, nous lui faisons comprendre qu’il doit conserver le masque en lui chantant une comptine qu’il aime bien, le but étant de garder le masque pendant deux ou trois comptines en entier.
- Bravo Mohamed !
- Le travail ne va pas se faire sur une seule fois, on peut enchaîner sur plusieurs tentatives, plusieurs fois la même étape. Parfois la personne avec TSA a besoin de pauses. On peut proposer de faire des pauses. Dans son cas, ce sont des pauses sensorielles, il a besoin de déambuler et de faire ce qui lui plait. Par exemple aujourd’hui c’était le fait de voir tomber des objets, faire bouger des objets ou être en contact social avec l’infirmier.
- Ce n’est pas toujours les mêmes renforçateurs au même moment. Il faut s’adapter à son intérêt du moment. Au début il aimait les choses lumineuses, taper avec un bâton. Actuellement, il aime les choses qui tombent.
- Un des élément primordiaux est qu’il ne faut jamais forcer la personne TSA à franchir une étape si elle ne le veut pas. Il vaut mieux interrompre et recommencer la fois suivante. La durée de la séance dépend de chaque personne et de son seuil de tolérance. Dans le cas de Mohamed les indicateurs sont sa tolérance qui diminue pour les différentes étapes. Quand on voit qu’il repousse le masque ou le garrot plus rapidement, il faut qu’on interrompe la séance.
- On observe aujourd’hui qu’il est un peu perturbé par les conditions du tournage avec un lieu nouveau, des personnes nouvelles, du matériel nouveau. Il tolère les étapes moins longtemps. Compte tenu de cette évolution, nous allons pouvoir prévoir le prélèvement sanguin prochainement.
- Voilà. Pour conclure cette vidéo, dans le cas de Mohamed, on avait pu réaliser l’électrocardiogramme après trois ou quatre séances. Dans le cadre du prélèvement sanguin, ça a été plus long, il y avait des étapes qui étaient compliquées pour lui. Le moment où l’aiguille passe le bras, on savait qu’il y aurait une réaction à la douleur. C’est pourquoi on a travaillé plus longtemps et pourquoi on a travaillé avec le gaz. Il a pu avoir son prélèvement sanguin en externe.
- Voilà. Et donc on va pouvoir arriver sur, si je retrouve ma souris, les ressources. Comme on l’a indiqué, dans les ressources, tout ce qui va être banque d’images, ce qui peut être utile pour expliquer les soins, ça va être le site de SantéBD. Vous avez aussi pour la mallette Kapass, vous avez le site de l’Algeei.
- Il existe aussi une mallette Paso pour l’accès aux soins dentaires. C’est une mallette qui est à destination des enfants, il y a des visuels pour préparer la consultation dentaire. Vous avez aussi sur ce qui existe en termes d’application, il y a l’application Vi.Co Hospital qui est traduite en français qui permet comme on le voit en bas à droite de détailler les différentes étapes du soin. Elles sont présentées sous forme de dessins, de photos et de vidéos en fonction du niveau de compréhension de la personne. Il y a un petit système avec des médailles et une coupe à la fin.
- Et puis sur l’habituation aux soins, il y a la fiche HandiConnect qui peut détailler comment faire l’habituation aux soins. Il y a aussi une fiche par le CRA Aquitaine sur l’habituation aux soins et la vidéo qui a été présentée en début de présentation. Voilà. Je vous remercie et je laisse la parole.
- Stéphanie Baz :
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Merci pour cette démonstration. Merci pour votre dévouement, les séances d’habituation aux soins restent de rare initiatives dans notre pays. Beaucoup de médecins, de professionnels de santé ne connaissaient même pas le terme. C’est encore quelque chose de méconnu et de pourtant si essentiel. Je vais passer la parole maintenant à madame Aude Pinard Legry qui est infirmière. Elle va nous faire un court témoignage pour nous dire comment ça se passe de son côté.
- Aude Pinard Legry :
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Merci, je suis infirmière à l’Institut Lejeune depuis bientôt 3 ans. C’est un centre de compétences qui reçoit des patients porteurs de déficience intellectuelle.
L’institut reçoit les patients tout au long de leur vie. On a une consultation pédiatrique, d’adulte et de gériatrie. On a aussi des consultations de bilan. En 2023, on a reçu un peu plus de 2800 patients en consultation médicale. Ces consultations sont longues, elles durent 1h à 1h30. En général, les médecins prescrivent un prélèvement sanguin. 7 % des patients étaient en refus complet de soin, ce sont des patients qu’on ne peut même pas approcher. Nous avons développé des techniques pour amener le patient au soin. On a développé des techniques mais on a quand même des patients pour lesquels l’appréhension est trop forte. La seule solution c’est de faire un protocole d’habituation au soin. On s’y implique de deux façons. On ne peut pas mettre en place ce protocole à l’institut, on reçoit les patients seulement une fois par an. En revanche, quand le patient arrive, on sait qu’il est chez nous pour 1h, voire un peu plus. On va le voir dès son arrivée et on va lui faire une habituation sur l’objet et sur les lieux, on lui présente les lieux, on lui présente le masque Meopa. On lui laisse ces objets pendant tout le temps de la consultation pour qu’il s’y habitue. Et puis pour des patients pour lesquels le soin n’a pas pu avoir lieu, on va essayer d’initier un protocole d’habituation aux soins sur leur lieu de vie, dans leur structure. On le faisait l’année dernière après la consultation, si le soin s’était mal passé. On s’est rendu compte que ce n’était pas efficace. Désormais, on le fait en amont de la prise de sang. On va contacter les structures pour leur faire part de nos antécédents de soins avec le patient. On les redirige vers le site HandiConnect pour les aider à mettre en place le détail de l’habituation aux soins. On va essayer d’avoir des nouvelles régulièrement jusqu’à l’arrivée du patient à l’institut. On a deux gros problèmes qu’on rencontre régulièrement, ce sont des patients qui sont hors structure, des enfants qui vont à l’école, qui sont en famille et on a aussi des structures, des foyers et des IME qui n’ont plus ou pas d’infirmière. C’est difficile dans ce cas de mettre en place un protocole. Peut-on s’appuyer, même en initiant un protocole d’habituation aux soins sur des éducateurs ou sur des familles ?
J’ai l’exemple d’une maman qui avait mis de la crème en amont d’un rendez-vous pour son enfant qui ne supportait par la crème qu’on lui administrait. Peut-on s’appuyer complètement sur les parents et les éducateurs ?
- Claire Masson :
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Dans l’idéal, il vaudrait mieux que l’habituation aux soins ça soit porté par un binôme à la fois par un professionnel de santé, un médecin, une infirmière qui connaît bien le soin et les étapes du soin pour les faire dans le bon ordre et correctement. On a déjà eu le cas quand il n’y avait pas d’infirmière dans la boucle où on a fait un garrot et on nous a dit : c’est bon, il supporte le garrot 30 minutes. Sauf que c’est quand même un peu long.
Ce serait bien qu’il y ait un professionnel de santé qui connaisse bien le soin et quelqu’un qui sache un peu comment faire la méthodologie à quel moment utiliser le renforçateur.
Ça, c’est dans l’idéal. Si on peut avoir une structure médico-sociale qui va le porter, c’est mieux, ils ont le temps de le faire. Après, tout peut se voir. Si on n’a pas de structure qui peut le faire, ça peut être par des éducateurs, par les parents. On peut essayer de faire comme on peut, ça sera toujours mieux que d’arriver le jour-J sans aucune préparation. Il faut quand même bien connaître le soin, et en aucun cas dans l’habituation on ne fait d’étape intrusive ou douloureuse. On ne va pas répéter la piqure pour une prise de sang par exemple.
- Stéphanie Baz :
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Merci c’était très clair. Merci pour cette réponse. Vous avez autre chose à rajouter madame Aude Pinard Legry ?
- Aude Pinard Legry :
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Merci, c’est très bien.
- Stéphanie Baz :
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Nous allons bientôt ouvrir la session de questions-réponses. Le docteur Masson va y répondre par écrit, dans quelques jours je vous enverrai le document avec toutes les réponses par écrit. Quand même, nous allons en prendre quelques-unes. Nous avons reçu une question sur le besoin de travailler la généralisation que vous avez évoqué pendant votre présentation. Dans quel cas y a-t-il besoin de passer par la phase des jouets ?
- Claire Masson :
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Ce n’est pas une phase indispensable. Ça dépend du type de handicap de la personne. Pour les personnes qui ont un trouble du développement intellectuel ça peut être utile. Je travaille en contact avec des personnes qui ont des troubles du spectre autistique, on ne passe pas par cette étape de jouet qui est plutôt confuse pour les personnes. Ce n’est pas indispensable. On travaille directement avec le matériel de soin. Il ne faut pas avoir peur que le matériel puisse être manipulé, être enduit de salive. On utilise du vrai matériel de soin dès le début.
- Stéphanie Baz :
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Merci de préciser, c’est important. Nous avons une question qui demande : quelle stratégie peut-on mettre en place pour qu’une personne atteinte de troubles du spectre autistique puisse rentrer dans un cabinet de consultation quand elle a du mal à y accéder ? Si vous avez des petits conseils.
- Claire Masson :
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Le fait de rentrer dans le cabinet, c’est une des étapes de l’habituation aux soins. Il faut que la personne puisse se déplacer dans ce lieu de soin, s’asseoir, s’allonger à la demande. Savoir si c’est une difficile de rentrer dans tous les cabinets ou dans un cabinet spécifique. Si c’est un seul cabinet, c’est peut-être car il y a une odeur particulière dans un cabinet de soin. C’est quelque chose à travailler. Peut-être que par le passé, il y a eu des soins qui se sont mal passés dans ce cabinet, ça rappelle des mauvais souvenirs à la personne. C’est quelque chose qui peut se travailler. Sinon, on peut trouver un autre cabinet pas très loin, ça pourrait résoudre le problème de façon plus rapide et facile.
- Stéphanie Baz :
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Merci beaucoup, une dernière question. Beaucoup d’interrogations sur l’obtention du Meopa hors milieu hospitalier ?
- Claire Masson :
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Il y a des prestataires qui fournissent les gaz médicaux au niveau hospitalier. C’est plus facile. Il y a de plus en plus de cabinets de chirurgien-dentiste qui en ont aussi. Il y a une tarification pour le Meopa, ça peut être pris en charge dans le cadre du handicap. Renseignez-vous auprès de cabinets dentaires. Dans les consultations de ville, ça n’existe pas à ma connaissance. C’est un défaut d’approvisionnement. Pour les professionnels de santé libéraux, il n’y a pas de tarification, ça serait à leur charge donc ça n’existe pas. Par contre, en milieu hospitalier, c’est présent et notamment dans tous les services d’urgence. C’est un gaz qu’on utilise pour tout ce qui est de la traumatologie. On ne pense pas toujours à le proposer en dehors de ce cadre. Il ne faut pas hésiter à le suggérer ou à demander si c’est possible d’avoir recours à ce gaz si ça permet d’avoir un examen, une prise de sang. Les professionnels n’ont pas forcément l’habitude d’avoir des personnes en situation de handicap.
- Stéphanie Baz :
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Merci beaucoup c’était très clair. Je vous remercie docteur Masson. Merci Aude Pinard Legry aussi pour votre participation. Merci à tous nos partenaires.
Merci aussi à l’UGECAM et au CHU de Dijon qui nous ont proposé une vidéo qui sera dans le document ressource avec l’envoi du replay. Je vous donne rendez-vous le 19 septembre prochain pour notre prochain webinaire. Merci à tous. A très bientôt.