Transcription de la vidéo du webinaire « Handicap et dénutrition : prévenir, dépister et agir »
- Stéphanie Baz :
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Bonjour à tous et bienvenue à ce nouveau webinaire organisé par Coactis Santé, consacré à la dénutrition, en pleine semaine nationale de lutte contre la dénutrition. La dénutrition des personnes en situation de handicap. Nous avons intitulé ce webinaire « Handicap et dénutrition, prévenir, dépister et agir ». Je suis ravie de vous retrouver pour ce moment d’échange. Et je vous remercie pour votre intérêt car vous avez été plus de 1400 personnes à vous inscrire à ce webinaire partout en France. Nous avons des participants d’absolument partout en France. Merci à vous et merci à nos partenaires qui ont partagé l’information. Quelques informations pratico-pratiques pour commencer ce webinaire. Nous sommes ensemble pour une durée d’une heure. Ce webinaire est enregistré et sera disponible rapidement en replay, vous pourrez le retrouver sur le site de Coactis Santé et j’enverrai un lien de connexion à ce replay par mail ainsi que les ressources que nous allons évoquer pendant ce webinaire à toutes les personnes qui se sont inscrites. L’objectif aujourd’hui est de partager de bonnes pratiques et d’aider les professionnels de santé à prévenir et à agir contre la dénutrition des personnes en situation de handicap. Ce webinaire est gratuit. Vous pouvez poser vos questions tout au long de ce webinaire par chat, à l’écrit. Merci à Odile et Anne-Charlotte, codéléguées de l’association, qui vous répondront et qui nous feront remonter à nous, intervenants, les questions principales que vous avez à nous poser. Nous aurons bien évidemment du temps pour répondre à ces questions, environ quinze minutes à la fin du webinaire. Merci aux équipes techniques, à Jules, à la vélotypie, aux traductrices en langue des signes qui assurent un aspect technique et l’accessibilité de ce webinaire. Et enfin, un immense merci à nos deux intervenants experts du sujet. Je vous présente le professeur Pierre Jésus, professeur, vous êtes professeur de nutrition et responsable de l’unité de nutrition au CHU de Limoges, vous êtes secrétaire du collectif national de lutte contre la dénutrition et vous êtes membre du conseil d’administration du Centre ressource nutrition Nouvelle-Aquitaine. Merci également à Mme Carole Villemonteix, directrice du Centre ressource nutrition Nouvelle-Aquitaine que vous allez nous présenter lors de votre intervention. Avant de vous laisser la parole et vous laisser le temps d’exposer en détail vos interventions, j’aimerais vous présenter l’association Coactis Santé. Nous sommes une association engagée depuis 2010 en faveur de la santé des personnes en situation de handicap.
Coactis Santé mène une action de sensibilisation auprès des professionnels de santé et du grand public, notamment en diffusant deux solutions gratuites et concrètes qui sont SantéBD et HandiConnect.fr. Ces deux solutions sont en accès libre sur notre site Internet, elles répondent surtout à deux lacunes, deux freins que rencontrent les personnes en situation de handicap dans l’accès aux soins au quotidien. Premier frein : le manque d’informations accessibles pour eux-mêmes, avant tout. Deuxième frein : le manque de formation des professionnels de santé. L’association travaille donc sur tous les handicaps et sur de nombreux thèmes de santé. Aujourd’hui, nous allons parler de la dénutrition dans le contexte du handicap et je vous propose donc de découvrir nos ressources gratuites sur ce sujet pour vous aider dans votre pratique quotidienne.J’aimerais tout d’abord vous parler du site Handiconnect.fr.
Handiconnect.fr, qu’est-ce que c’est ? C’est un site ressource pour aider les professionnels de santé dans leur pratique quotidienne auprès des patients en situation de handicap, tous handicaps confondus. On y trouve près de 80 fiches conseils, un annuaire des formations qui existent en France et des possibilités de poser des questions face à une situation de soins spécifiques au handicap. C’est un accès à l’expertise pour vous qui nous écoutez aujourd’hui. L’objectif est de mieux accueillir un patient en situation de handicap et de vous faire gagner du temps. Nous proposons plusieurs fiches et nous ne faisons rien tout seul puisqu’elles sont toujours rédigées par des experts reconnus dans chaque domaine. J’aimerais vous parler tout d’abord de la fiche qui concerne l’autisme et la prise en charge diététique. Cette fiche conseil nous rappelle quelles sont les particularités liées au trouble du spectre de l’autisme, potentiellement à l’origine de troubles alimentaires. On comprend les conséquences et les répercussions pour une personne vivant avec un TSA et on découvre les leviers d’action pour compenser ces difficultés, c’est une fiche que vous retrouverez sur le site que vous pouvez télécharger ou consulter directement sur le site Internet. Nous avons trois fiches également sur le polyhandicap et la dénutrition, trois fiches conseils qui rappellent les critères de diagnostic, comment on pose un diagnostic de dénutrition face à un patient en situation de polyhandicap, quels facteurs favorisent le risque et l’adaptation nutritionnelle possible pour une mise en place pour un enfant ou un adulte polyhandicapé. Vous avez trois fiches à votre disposition sur le site Handiconnect. Enfin, j’aimerais vous parler des fiches sur le handicap et le vieillissement. L’association Coactis Santé travaille sur le sujet des personnes handicapées vieillissantes. Ces trois fiches conseils qui existent parlent du sujet de la dénutrition et vous y trouverez une définition du vieillissement et de ses effets, des points de vigilance, les relais sur lesquels s’appuyer et une sélection d’outils utiles pour évaluer le profil de vieillissement d’une personne en situation de handicap.
A chaque fois, vous voyez tous les experts ou tous les organismes qui ont contribué à l’élaboration de ces fiches. Comme vous pouvez le constater, nous ne faisons absolument rien seul. Ces ressources sont le fruit d’un partage de savoirs expérientiels basés sur les recommandations de bonnes pratiques existantes.L’autre solution dont je voudrais vous parler, c’est SantéBD, une solution développée depuis 2010 par l’association Coactis Santé. Ce sont des bandes dessinées qui sont rédigées en FALC, avec la méthode FALC, c’est-à-dire facile à lire et à comprendre, elles sont personnalisables, c’est-à-dire qu’on peut choisir sur le site Internet quel personnage on aimerait avoir dans la bande dessinée. Ce sont également des posters, des vidéos et une banque d’images qui contient plus de 20 000 dessins accessibles sur SantéBD.org. Ces BD servent pour faire de la prévention pour expliquer à vos patients comment mettre en place une alimentation équilibrée. Ces bandes dessinées sont pédagogiques et très visuelles, vous pouvez les utiliser pour des personnes qui ont des difficultés de compréhension ou d’expression du fait de leur handicap, mais aussi pour des enfants, des personnes qui ne parlent pas ou mal français, elles peuvent être donc utiles pour tout le monde avec ou sans handicap.
Là, vous verrez une sélection de bandes dessinées très utiles quand on parle de dénutrition, la bande dessinée « Mieux manger pour prendre soin de sa santé », par exemple. C’est une bande dessinée que vous retrouverez sur le site Internet où on peut utiliser les dessins pour établir des menus, réaliser des ateliers d’éducation thérapeutique sur la nutrition. On peut également expliquer concrètement ce qu’on peut mettre dans son assiette ou pas. On a également la bande dessinée « comment manger plus de fruits et de légumes », elles sont toutes déclinables en poster, vous pouvez les utiliser sous forme de poster, et vous pouvez avoir de bonnes idées pour prévoir des menus pour la semaine, organiser des tableaux… Vous retrouvez ensuite sur la banque d’images SantéBD plus de 200 dessins qui ont servi à élaborer ces bandes dessinées et que vous pouvez utiliser pour des ateliers ou des tableaux de communication pour des personnes dyscommunicantes. Nous avons le plaisir d’être partenaire du Collectif national de lutte contre la dénutrition depuis plusieurs années et nous sommes ravis de nous engager à leurs côtés cette semaine et d’organiser ce webinaire en pleine semaine de lutte contre la dénutrition.
Je voulais vous parler pour finir des deux outils gratuits que nous avons élaborés avec ce collectif : tout d’abord, un guide d’action destiné aux aidants familiaux et aux professionnels accompagnant au quotidien des personnes en situation de handicap, conçu avec les experts Handiconnect. Ce guide est disponible sur notre site, sur le site du collectif et vous y trouverez les bonnes pratiques, les signes qui peuvent alerter, tout ce qui peut être utile.Nous avons également conçu avec le collectif, et surtout traduit en facile à lire et à comprendre, l’autoquestionnaire PARAD que va évoquer également le professeur Jésus, qui a été réalisé avec les images SantéBD, que nous avons traduites en facile à lire et à comprendre, et que vous retrouverez également sur notre site Internet. Voilà ce que j’avais à vous dire pour cette introduction. Sans plus attendre, je vais passer la parole au professeur Pierre Jésus.
- Pierre Jésus :
- Merci beaucoup.
- Stéphanie Baz :
- Merci à vous.
- Pierre Jésus :
- Je vais partager mon diaporama. Est-ce que c’est bon pour vous ?
- Stéphanie Baz :
- Ça m’a l’air bon.
- Pierre Jésus :
- Parfait. Merci beaucoup pour cette invitation et puis pour ce webinaire.
Je remercie aussi Coactis de son investissement et de son partenariat avec le Collectif de lutte contre la dénutrition. Je vais évoquer avec vous l’évaluation nutritionnelle des personnes en situation de handicap et on pourra en discuter, bien sûr. Je ne vais pas m’étendre, moi, principalement sur la prise en charge en quinze-vingt minutes. N’hésitez pas à poser vos questions, cela sera abordé en partie aussi par Mme Carole Villemonteix.
Voilà, rapidement, je vous brosserai le tableau de la semaine nationale de la dénutrition, je vous ferai une petite introduction, puis on abordera la dénutrition dans le contexte du handicap. Ce sera principalement, finalement, tourné vers le handicap psychomoteur et le polyhandicap. Et après, un point finalement sur une partie extrêmement importante qui est l’évaluation de l’état nutritionnel.
Tout d’abord, la semaine nationale de la dénutrition : c’est une semaine d’actions, chacun peut décider de faire ses actions dans toute la France avec des acteurs associatifs, du médico-social, du sanitaire. L’objectif, c’est de lutter contre la dénutrition. La semaine de la dénutrition, on est en plein dedans puisque c’est du 12 au 19 novembre dans toute la France. Vous voyez là la carte des actions. Et c’est une semaine qui est réalisée avec un soutien institutionnel de l’Etat, que ce soit le gouvernement, l’assurance maladie, les caisses d’assurance vieillesse et de l’autonomie. Et puis, bien sûr, avec tous les partenaires associatifs qui participent aussi aux actions du collectif.
Alors, les actions, finalement, pour qui ? C’est pour tout le monde, à tous les niveaux. On est à à peu près plus de 3000 participants, donc actions, du secteur social, médico-social, sanitaire. Ça peut être des entreprises, des associations, des professionnels de santé, en libéral, en structure, en établissement de santé ou en établissement médico-social. Et puis les actions, elles sont très, très larges, que ce soit du dépistage, des actions de formation, de la sensibilisation aussi en même temps, de la communication, des actions pendant le repas, donc, ça, c’est plutôt dans les structures, les établissements de santé ou les établissements médico-sociaux. Et, pour réaliser toutes ces actions, le plus simple, c’est d’aller directement sur le site du collectif, donc, Luttecontreladénutrition.fr. On peut s’inscrire. Pour cette année, ce sera un peu plus compliqué parce qu’on est en plein dedans. Mais pour l’année prochaine, allez sur le site pour vous inscrire pour votre action et pour pouvoir avoir des kits de communication.
Avec comme objectif, bien sûr, vous l’avez compris, de combattre une maladie, puisque la dénutrition est une maladie qui touche plus de 2 millions, 2 à 3 millions de personnes en France ; de se mobiliser, parce qu’on n’est pas seul à se mobiliser face à la dénutrition, il y a un réseau important, que ce soit des professionnels de santé, associatifs, les aides à domicile, le réseau est très, très vaste ; pour se former, bien sûr, sur un sujet qui peut toucher toutes les tranches de la population, que ce soit en âge, en situation avec ou sans pathologie chronique, et puis pour participer bien sûr à cette prise de conscience générale des enjeux de la dénutrition. Puisque la dénutrition n’améliore rien, ça aggrave tout, chez les personnes, chez les patients. Ça concerne donc toute la population, les familles, bien sûr, les proches, les malades et puis, bien sûr, les professionnels qui les prennent en charge.
Alors, voilà, le collectif a réalisé, en partenariat avec des professionnels de santé, des associations comme Coactis Santé, des outils. Il y a tout ce qui peut être avec les kits livrés en lien avec les actions, les affiches, les kakémonos, qui peuvent délivrer de l’information avec les messages clés, il y a aussi les guides d’actions, comme l’a été évoqué, le guide d’actions pour la personne en situation de handicap, et vous pouvez aussi aller sur l’académie de lutte contre la dénutrition où vous trouverez de nombreux outils de formation et d’information.
Je vous ai mis le lien pour aller retrouver aussi le guide d’actions sur le site du collectif.
Maintenant, en introduction… Je vous ai mis cette première partie parce que, finalement, dans le handicap, alors, bien sûr, le handicap, c’est très, très large, l’objectif, c’est toujours le bien-être, la qualité de vie de la personne, ses objectifs aussi. Là, je vous ai donc mis une situation particulière, une patiente qu’on a prise en charge avec une maladie extrêmement sévère, une sclérose latérale amyotrophique, une maladie qui atteint le nerf moteur, qui entraîne une paralysie. C’est une patiente qui, elle, avait un projet, elle peignait, et son objectif était de poursuivre son action, la peinture, pour pouvoir lever des fonds pour lutter contre cette pathologie. Vous pouvez la voir sur la photo. Il y a un niveau de handicap extrêmement important. Elle avait une ventilation avec une trachéotomie, une alimentation avec une sonde de gastrostomie. Elle a continué de peindre avec ses yeux avec un logiciel de poursuite oculaire. Vous pouvez voir ce qu’elle peignait, finalement, avec les yeux, la peinture qu’elle a faite à gauche. Je serais bien incapable de la faire moi-même avec mes mains. C’est une patiente qui malheureusement est décédée de sa pathologie, mais qui a toujours son action pour lutter contre cette terrible maladie. C’était son projet, dans le handicap, de pouvoir continuer à avancer par rapport à cela.
Alors, tout d’abord, la santé, vous le savez, bien sûr, ça passe par l’alimentation. Ce n’est pas nouveau. Ça remonte à très, très longtemps. Hippocrate le disait : que ton aliment soit ton premier médicament. C’est un enjeu du Programme national nutrition santé avec l’objectif 18 qui était de développer les actions de dépistage, de prévention, surveillance de l’état nutritionnel de personnes en situation de vulnérabilité dans les établissements médico-sociaux. Bien sûr, les collectivités, elles, se doivent de respecter certaines règles concernant la qualité et les quantités des aliments servis. Il y a un cadre strict par rapport à cela. Et l’alimentation, c’est souvent l’un des derniers plaisirs. Et il faut que le plaisir ne soit pas risqué aussi pour le patient, par exemple si on évoque les fausses routes. C’est quelque chose qui altère beaucoup bien sûr le plaisir alimentaire.
Alors, le repas, bien sûr, vous le savez, il y a un lieu, un instant, une personne. La situation est unique, à un moment donné. Et puis elle évolue. Elle évolue en fonction de tous ces paramètres et puis bien sûr en fonction de l’évolution, de l’état de la personne. On peut avoir des moments où la personne va s’alimenter bien et facilement, d’autres où il y aura du refus parce qu’il peut y avoir de la douleur, etc. Il faut prendre en compte aussi l’environnement de la personne, son histoire, ses attentes, les habitudes de vie, les troubles de la déglutition qui peuvent être extrêmement prévalents dans certaines situations de polyhandicap. Le polyhandicap, bien sûr, aussi. Et puis les troubles psycho-comportementaux qui peuvent être associés bien sûr à la pathologie et qui peuvent altérer tout ce fonctionnement. C’est donc vraiment une situation… on va dire tous les jours et à chaque repas une situation un petit peu unique qui se répétera rarement dans le temps.
Les problématiques que l’on a dans la situation du handicap, c’est que le handicap, il va pouvoir entraîner une diminution de la qualité de vie. Il peut y avoir aussi une altération sensorielle, ça dépend bien sûr du type de handicap, avec des perceptions diminuées, voire augmentées sur certaines situations aussi.
Malheureusement, la situation de handicap, c’est un facteur de risque, d’augmentation de la morbi-mortalité, des complications et du risque de décéder. Et finalement, dans le handicap, il va y avoir des facteurs d’aggravation. Les facteurs d’aggravation vont aggraver le handicap, le handicap va aggraver ces facteurs, qui sont liés bien sûr à la maladie, aux traitements, et ces facteurs, associés au handicap, vont avoir l’impact sur les complications et la mortalité.
Si on se fait un focus un petit peu plus spécifique aux troubles nutritionnels, malheureusement, et c’est tout le temps le cas, c’est un cercle vicieux.
Dans le handicap, il peut y avoir bien sûr divers troubles secondaires, que ce soient les troubles de la déglutition, l’état buccodentaire qui peut être altéré, le trouble moteur, également, si la personne a un handicap moteur, si elle n’a pas d’aide, ce sera très compliqué. Il y a la sédentarité, les refus alimentaires, les problèmes comportementaux. Tout cela peut générer de la dénutrition mais aussi de l’excès pondéral. Et puis dénutrition, qui va être source de complication, qui va aggraver le handicap, etc.
Le handicap, évidemment, ce sera bien sûr extrêmement compliqué, voire impossible d’en sortir, par contre, on peut sortir d’un état de dénutrition. Ça, c’est très clair.
L’objectif, bien sûr, c’est de pouvoir éviter ces facteurs d’aggravation qui seront liés à la dénutrition : la perte de masse musculaire, l’augmentation de la masse grasse sur l’obésité, et bien sûr les atteintes fonctionnelles, la fonction respiratoire… La liste est non exhaustive.
En ce qui concerne la dénutrition, gardez en tête que c’est pathologique. C’est anormal. Il ne faut pas se dire : tiens, la personne, oui, elle a un handicap, elle a eu telle situation, elle perd du poids, c’est normal parce que, finalement, elle a un peu de mal à manger dans sa situation, donc, c’est normal qu’elle perde du poids. Non. Ce n’est pas normal de perdre du poids. Dans tous les cas, c’est pathologique. Il y a un déséquilibre. La nutrition, c’est toujours une histoire de balance. C’est un déséquilibre entre les besoins métaboliques et énergétiques de l’organisme et les apports ou leur utilisation, parce que la personne peut manger, mais avoir des problèmes d’apport. La dénutrition, elle est liée, et ça, on l’a dans quasiment 100% des cas, à une diminution des apports alimentaires : la personne va moins manger. Il y a de multiples raisons par rapport à ça. Mais elle mangera moins. De l’autre côté, il peut y avoir une augmentation des besoins métaboliques et énergétiques, par exemple avec une infection, une personne qui va faire une pneumopathie d’inhalation, qui va avoir une infection pulmonaire, ça va augmenter ses dépenses énergétiques, également une personne qui va avoir des lésions d’escarre, ça augmente beaucoup les dépenses énergétiques. On peut avoir les deux situations de diminution des apports et l’augmentation des besoins. Cette perte va se faire aux dépens de la masse maigre, principalement de la masse musculaire.
Peut-être que la personne n’arrivera plus à faire ses transferts parce qu’elle a perdu trop de muscle. Et il y a aussi une perte de masse grasse, et la graisse, c’est la réserve énergétique, c’est donc aussi important. La dénutrition, c’est simple, c’est comme le compte bancaire. Il est à l’équilibre, il va bien mais si, d’un seul coup, il y a moins d’argent qui rentre ou vous en dépensez plus, il sera dans le négatif. On est dans la même situation.
En quelques chiffres, finalement, chez les enfants et les adultes, on est à peu près, gardez ça en tête, c’est assez important, deux tiers des enfants et des adultes polyhandicapés souffrent de dénutrition, on est entre 40 et 70% à peu près. C’est quand même extrêmement important.
Donc, on le côtoie très, très régulièrement. Je vous ai pris d’autres situations, par exemple la sclérose latérale amyotrophique, en fonction de l’état de la maladie et de son évolution. Voilà, on peut arriver jusqu’à la moitié des patients qui sont dénutris. Il y a d’autres pathologies comme la myopathie Duchenne de Boulogne, on peut arriver jusqu’à 62%. On est entre 50 et deux tiers des personnes qui souffrent de dénutrition.
Il y a des signes, bien sûr, qui peuvent alerter. Chez un enfant, déjà, puisqu’un enfant avec un polyhandicap, qui va avoir un retard staturo-pondéral, il va grandir moins vite, il va grossir moins vite, mais dans tous les cas, il va prendre du poids et de la taille. Ça, c’est sûr. Et même un enfant dans cette situation, il doit grandir et prendre du poids. S’il s’arrête de grandir et de prendre du poids, c’est qu’il y a un problème. Une personne qui va perdre l’appétit, pour plein de raisons, ça peut être bien sûr le moral, ça peut être la douleur, ça peut être la constipation… Voilà, ça, c’est quand même un élément qu’on voit facilement. La personne va moins manger, elle va diminuer son alimentation, ses activités, aussi, parce qu’elle a moins envie et moins de force pour faire des choses. Pour les aidants, surtout, qui s’occupent de ces personnes, résidents ou patients, qui les habillent, des fois, on peut remarquer que les vêtements, l’appareillage, par exemple dentaire, ou dans la coque du fauteuil, que la personne, elle flotte dedans. Les crans de ceinture qu’on resserre. Ça, c’est qu’il y a un souci, que la personne a perdu de la masse, du volume.
La fatigue inhabituelle, la somnolence, le désintérêt pour les activités courantes, la perte des acquis cognitifs, la personne qui va se dégrader, parce que, quand vous perdez du poids, vous perdez de la masse maigre et de la fonctionnalité au niveau du cerveau, de la mémoire, de la réflexion, et la personne, même sans avoir de situation de handicap, des personnes extrêmement dénutries vont avoir une moins bonne mémoire, une concentration moins bonne. Ça impacte donc fortement l’état cognitif. Et puis ça, vraiment, c’est extrêmement important : le mauvais état buccodentaire, les extractions dentaires, l’hygiène précaire, les gencives irritées, les prothèses dentaires qui sont mal adaptées et qui le seront de plus en plus mal à mesure que la personne va perdre du poids. C’est quelque chose qu’il faut regarder, les dents du patient. En ce qui concerne les causes de la dénutrition, elles sont multiples, bien sûr. Elles vont entraîner ce déséquilibre de la balance énergétique. Ça peut être des causes, bien sûr, stomato au niveau de la bouche, ORL, pneumologique avec des problèmes d’hypersalivation, une grosse langue, les fausses routes, les troubles dentaires ; également l’état psychique, psychologique le moral, quand il est moins bon ou qu’on est très anxieux, qu’on a peur de faire une fausse route, par exemple. Les médicaments également peuvent avoir des effets sur de la perte d’appétit, sur de la constipation. Toujours penser à regarder les médicaments du patient. L’impact également du système nerveux central du cerveau, la perte d’appétit, les troubles de la mémoire, cognitifs… Tout ce qui est lenteur aux repas, la dépendance. Tout ça, ça va être impacté, bien sûr.
Et puis les troubles digestifs, le tube digestif. C’est là où les nutriments vont être absorbés. Les patients, assez souvent, dans des situations de polyhandicap, vont avoir des gros reflux gastro-œsophagiens avec des aliments qui vont remonter avec un reflux, donc, les patients auront l’irritation, une inflammation de l’œsophage, il peut y avoir des ralentissements de la vidange gastrique, constipation très fréquente. Quand on a du mal à se vider, on ne va pas se remplir physiologiquement, donc, on va diminuer ses apports alimentaires, et ça peut aller vers des états de subocclusion ou d’occlusion. La douleur, également, chronique, vous l’avez peut-être déjà vécue, quand on a mal, on n’a pas faim, en général, quand il y a des douleurs aux articulations, de la spasticité, des luxations, des positions douloureuses… Ça empêche de manger. La liste n’est pas exhaustive. Il y a aussi les infections, pulmonaires et autres, ça va participer à ce déséquilibre de balance énergétique. J’insiste sur l’état buccodentaire : il faut regarder déjà la bouche et que les patients soient bien sûr évalués au niveau dentaire par un dentiste, de préférence quand même aussi spécialisé, parce que c’est une prise en charge, dans le polyhandicap, qui est quand même assez spécifique pour que le soin se passe dans les bonnes conditions. Ça peut être des soins qui se font sous anesthésie. Bien sûr, il y a les caries, il y a un risque de perte de la sensibilité gustative aussi, principalement avec les aliments sucrés et gras. Il y a l’impact bien sûr du diabète aussi. C’est toujours pareil, ça, c’est dans les deux sens : un risque d’infection et de mauvaise cicatrisation. Il peut y avoir des mycoses au niveau de la bouche ou de l’œsophage. Il y a le problème aussi de l’édentement. Pour manger, on a des dents qui sont là pour faire le mixeur, mais si on a moins de vingt dents, principalement les molaires, ce sera extrêmement compliqué, il faut pouvoir avoir un appareillage, si c’est possible, en fonction de la situation, il va y avoir un risque de diminution des apports alimentaires, un risque de fausse route et de pneumopathie d’inhalation qui va être augmenté. La salive également a un potentiel réparateur puisqu’elle a un rôle au niveau immunitaire. Donc, au niveau de l’hygiène buccodentaire, c’est important de garder ce potentiel réparateur de la salive. Donc, la grande question : consultation dentaire, point d’interrogation ? Les patients n’ont parfois pas du tout de bilan à ce niveau-là, donc, pensez-y.
Deuxième point important : les fausses routes, principalement dans les situations de polyhandicap. Notamment dans certaines maladies neurologiques. Les aliments passent dans le mauvais chemin, ne passent pas dans la voie digestive. Ils peuvent aller dans les poumons, passer dans la trachée, et là, bien sûr, inhalation, infection pulmonaire, étouffement. Après, il y a le risque d’avoir des fausses routes qui peuvent aller aussi en arrière, mais vers le nez, vous l’avez peut-être déjà vécu, si vous mangez ou buvez quelque chose de gazeux par exemple. Les aliments peuvent aussi être recrachés, il peut y avoir du bavage. C’est aussi un chemin qui n’est pas bon. Si la personne recrache les aliments, c’est qu’il y a un souci.
L’anxiété, les fausses routes, la peur que ça passe de travers, ça angoisse tout le monde, les soignants, les aidants, bien sûr, ça angoisse le patient, le résident.
Il faut les évaluer. Et bien sûr, si vous avez peur de manger, ça passe de travers, même avec l’adaptation des textures, petit à petit, on va avoir une diminution des apports alimentaires. L’état psychique va aussi être altéré. Chez les enfants, sur la croissance, la cicatrisation après une chirurgie, sur des lésions d’escarre… Le tube digestif est aussi impacté, il y a des cellules, mais aussi du muscle, la personne va perdre de la masse musculaire, de la fonction pour ses déplacements, elle utilisera moins son fauteuil, ne pourra plus faire les transferts. Les défenses de l’organisme, quelles qu’elles soient, elles seront altérées aussi avec la dénutrition. L’atteinte aussi au niveau respiratoire. Et + + +, la qualité de vie. La dénutrition, ça n’améliore rien. Il ne faut pas se dire : la personne a perdu du poids, c’est plus simple pour faire les transferts, etc. Non. Ça n’est pas la bonne réflexion. Des fois, ça peut être les cas puisque, pour certains aidants, certaines familles, c’est plus simple, et on peut les comprendre, des fois, surtout quand les aidants vieillissent, de mobiliser quelqu’un avec un poids plus bas, mais malheureusement, avec ce poids plus bas, il y a des conséquences négatives. On va passer à la dernière partie, l’évaluation de l’état nutritionnel. Pour le repérage, il peut y avoir des outils, mais des outils qu’on peut utiliser chez les adultes et chez les enfants, ça s’appelle le SEFI, c’est une EVA entre 0 et 10, mais il faut que la personne puisse s’exprimer par rapport à ça. Quand le score est en dessous de 7, c’est qu’il y a un risque de dénutrition, ou si la personne a mangé moins de la moitié de ses apports sur le repas précédent. Finalement, ça, ce sont des outils assez simples. Et on a un outil plutôt orienté pour les personnes âgées, ça peut être fait par les aidants, comme pour le SEFI, en auto ou altéro-questionnaire, avec des questions simples sur le poids, l’appétit, le repas, l’alimentation, ça fait l’anagramme PARAD, ça a été mis en place par la présidente du collectif à Paris. C’est un petit outil de dépistage. Mais bien sûr, il faut que la personne soit apte à recevoir ce dépistage. Sinon, on fait simple : en nutrition, on n’a pas besoin de grand-chose, pas besoin de gros bilan biologique. La priorité, c’est le poids. On pourra avoir la variation de poids par rapport au poids de d’habitude. La taille, ou l’estimation de la taille, avec la hauteur talon-genou, il y a des formules qui existent, il y a la formule de Chumlea, il y a des formules qui existent en fonction du sexe et de l’âge, et on calcule le poids, l’indice de masse corporelle, on peut aussi faire d’autres mesures, la circonférence brachiale, mesurer les Ingestas… Pas besoin d’un bilan poussé avec une enquête alimentaire, qui sera souvent biaisée. On verra bien, entre d’habitude où ça se passe bien et une situation où ça ne se passe pas bien, est-ce que la personne mange un tiers, deux tiers, le quart de ses apports habituels ? L’état buccodentaire est également une priorité comme les troubles de la déglutition et de la salivation. Là, je vous ai mis les critères de dénutrition adulte polyhandicapé, il y a l’IMC, une perte de poids, il y a le poids de référence, le périmètre brachial, la diminution des ingestas de moitié, un poids inférieur à 40 kilos, les paramètres biologiques, qui sont des signes de gravité. L’albumine, pré-albumine, c’est un critère de sévérité, pas de diagnostic. On peut avoir des personnes qui ont des biologies très bonnes mais un état nutritionnel avec un poids catastrophique.
Je vous ai mis, je ne vais pas rentrer dans les détails, mais ce sont les critères de dénutrition en dehors du polyhandicap. Ça peut être chez quelqu’un qui a un handicap, mais qui va pouvoir avoir une évaluation, on va dire entre guillemets comme la population générale, ce sont les mêmes critères, il y a juste des petites différences en fonction de l’âge pour l’IMC.
Ça, ce sont les critères de la Haute autorité de santé de 2019 et 2021 avec les critères de perte de poids, d’IMC, la réduction de la masse, et de la sarcopénie à la marge. Il faut un critère phénotypique et un critère étiologique, et il y a des critères de gravité en fonction de l’importance de la perte de poids et en fonction de l’IMC. Et l’albumine, ça ne reste qu’un critère de sévérité, pas un critère de diagnostic.
Dernière partie, évaluation de la déglutition, ici, un algorithme de mon ancien responsable professeur des sports, qui est le président de notre centre ressource. Il y a des tests assez simples, c’est le test de DePippo, faire boire 80 ml d’eau à une personne et voir si la personne se met à tousser, si elle a une voix voilée, etc. Et l’examen de référence, c’est la radiovidéoscopie de déglutition, qui n’est pas accessible partout et facilement, mais il ne faut pas hésiter à la faire pour savoir comment statuer sur la situation. J’ai mis à côté un chatbot, CliniBot, qui a été mis en place avec le réseau CERENUT, qui est un robot conversationnel qui permet d’orienter vers un risque plus ou moins important de fausse route et d’orientation vers des examens complémentaires, voire l’arrêt de la prise alimentaire. Vous pouvez aller sur le site pour l’outil. Mme Carole Villemonteix pourra développer après moi si elle le souhaite.
Pour conclure, la meilleure stratégie de prévention de la dénutrition, c’est de l’évaluation. Pour prévenir, il faut évaluer, peser les personnes.
Il faut que ce soit systématique. C’est l’évaluation systématique de l’état nutritionnel. En un mot : pesez, pesez, pesez. Bien sûr. Sans ça, demander à un cardiologue de traiter une hypertension sans avoir les chiffres tensionnels, il va vous rire à nez et il aura raison ! Demandez à quelqu’un de prendre en charge l’état nutritionnel de quelqu’un sans avoir de mesure, c’est impossible. On ne sait pas ce qu’on va faire.
Je réinsiste sur les fiches Handiconnect qui sont vraiment très bien faites. Et puis, dans le cadre des recommandations, que ce soit avec les critères, je ne les ai pas mis, mais vous trouverez les critères chez les enfants aussi polyhandicapés de dénutrition, et chez l’adulte. N’hésitez pas à les consulter, ça permet vraiment de vous aider dans votre prise en charge. Et il y en a d’autres comme le handicap psychique et le syndrome métabolique. On est plutôt sur le versant obésité et handicap psychique. Et puis en conclusion, gardez en tête que, dans les situations principales de polyhandicap, la dénutrition, c’est extrêmement fréquent, deux tiers des personnes. De nombreux mécanismes, assez souvent intriqués. C’est un facteur de mauvais pronostic. Mais c’est un élément qui est incontournable dans la prise en charge. Il ne faut pas dire que c’est normal. Il faut que ça participe à la prise en charge de la personne, puisqu’une fois qu’elle est installée, ce sera toujours plus compliqué de la prendre en charge, que si on la prévient et qu’on met en place des prises en charge en amont. La prévention, c’est l’évaluation, c’est peser les personnes. Je vous remercie pour votre attention. - Stéphanie Baz :
- Merci. C’est nous qui vous remercions, professeur Jésus. C’était très clair et explicite, ce panorama. Je pense qu’on va y revenir au moment des questions-réponses, nous avons déjà eu pas mal de questions. Sans plus attendre, je donne la parole à Mme Carole Villemonteix pour la prise en charge concrète et pour la présentation du centre ressources CERENUT. C’est à vous.
- Carole Villemonteix :
- Merci de m’avoir sollicitée pour intervenir lors de ce webinaire. Je vais faire la suite, en effet, par rapport à la présentation du professeur Jésus. Je vais vous parler un peu plus en détail de CERENUT, qui est le centre ressources nutrition de la Nouvelle-Aquitaine, qui est un dispositif de l’ARS et l’expertise qu’on a sur la dénutrition et sur le handicap.
Dans un premier temps, je vais évoquer les objectifs stratégiques de CERENUT qui ont été établis avec l’ARS. Ensuite, nos actions, les outils qu’on met à disposition des professionnels et, pour terminer, je ferai un focus sur notamment des kits de dépistage de différents statuts nutritionnels, et en particulier de la dénutrition, et différents supports qu’on peut vous mettre à disposition.
Par rapport à CERENUT, je dirais qu’on n’est pas tout jeune sur le domaine de la nutrition parce qu’on a existé de 2004 à mars 2022 sous la forme d’un réseau de santé ville-hôpital qui se nommait Linut, on était le seul réseau personnes âgées à intervenir en France à intervenir auprès des personnes âgées en institution et à domicile pour des patients insuffisants rénaux, par exemple patients atteints de sclérose latérale amyotrophique, etc. Et du fait de cette expertise, l’ARS Nouvelle-Aquitaine nous a sollicités pour étendre notre activité sur l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine et, en plus, de proposer notre expertise également au secteur du handicap, qu’on ne touchait pas jusqu’à présent. On est passé de 3 à 12 départements avec un potentiel de 2600 établissements.
Au niveau des objectifs que nous avons définis, le premier, c’est vraiment de sensibiliser, d’informer les décideurs et les professionnels sur l’importance de la prise en charge nutritionnelle aussi bien du public âgé que du public en situation de handicap.
Le deuxième objectif, c’est vraiment d’améliorer les pratiques professionnelles en mettant à disposition par exemple des outils, en diffusant des bonnes pratiques, en formant les professionnels. Ça va être également de diffuser notre expertise en matière de nutrition en incluant aussi bien la prévention que la prise en charge de la dénutrition et toute autre pathologie nutritionnelle. Pour finir, ça va être d’accompagner les établissements médico-sociaux et ça nous arrive aussi d’être sollicités par les structures à domicile, pour les aider à mettre en place une politique nutritionnelle qui soit favorable aux différents publics qu’ils peuvent accueillir.
Donc, au niveau des actions que nous proposons au sein de CERENUT, il y a toute une partie promotion qu’on peut réaliser dans les établissements médico-sociaux de la Nouvelle-Aquitaine. On se déplace de façon à pouvoir discuter, échanger avec aussi bien les directions que les professionnels de soins, les professionnels de restauration, sur les problématiques qu’ils peuvent rencontrer au niveau de la nutrition. Une autre action, ça va être l’amélioration des pratiques professionnelles. On est organisme de formation depuis 2005, certifié Qualiopi, on est amené à dispenser des formations sur différents thèmes comme la dénutrition, les troubles de la déglutition, sur les services des repas, les textures, tout thème lié à la dénutrition. On a aussi décliné sous forme de temps plus court ces formations, on les a nommés sensibilisation, ça permet de resensibiliser dans les établissements les professionnels sur différents sujets, notamment quand il y a des nouveaux professionnels, on l’a fait notamment au moment des nouveaux critères de repérage de la dénutrition, ça permet de sensibiliser sur des temps plus courts les professionnels. Ça peut être aussi par le biais de webinaire. Pareil, dans le cadre de la semaine de la dénutrition, hier, on a fait un webinaire sur dénutrition et enrichissement. On en fait régulièrement dans l’année qui sont mises à disposition après en replay sur le site Internet.
On organise également des conférences, notamment la semaine prochaine, on sera sur Poitiers mardi pour une formation nutrition et handicap. On collabore également aux Journées interCLAN du Limousin et au Forum du centre spécialisé d’obésité. Toutes ces manifestations sont citées sur notre site Internet pour que vous puissiez vous inscrire lorsque vous le souhaitez. Une autre action, ça va être l’accompagnement des établissements médico-sociaux dans la mise en place d’une politique nutritionnelle favorable pour les différents convives, ça peut être aider à améliorer la prestation restauration à l’aide de la participation d’une diététicienne aux commissions de menus, on avait aussi réalisé un guide de structuration des commissions de menus permettant aux établissements d’avoir une commission structurée sous la forme de résolution de problèmes. On autre point sur lequel on accompagne les établissements, ça va être de diagnostiquer et prendre en charge les problèmes nutritionnels, notamment à l’aide de CEREKIT, que je vais vous présenter plus en détail tout à l’heure, et ça va être de dépister et prendre en charge les troubles de la déglutition à l’aide de CliniBot, que vous a évoqué le professeur Jésus. Le dernier point, c’est la mise à disposition d’outils, comme des outils numériques, par exemple Kyriell’ pour réaliser des menus, CliniBot pour repérer les troubles de la déglutition, ça va être également de mettre à disposition des fiches conseils téléchargeables sur le site de CERENUT, de mettre aussi à disposition des guides, par exemple celui sur les commissions de menus, mais on en a également un sur les troubles de la déglutition. Si on rentre un peu plus en détail dans les outils, au niveau des outils numériques, CliniBot est un robot conversationnel. Vous avez au départ une série de questions pour repérer les différents facteurs de risque des troubles de la déglutition. De là, un algorithme a été rentré pour avoir, derrière, une aide à la décision. L’aide à la décision ne va pas être systématiquement un changement de texture. Mais ça peut être par exemple de conseiller sur le positionnement de la personne au moment du repas, ça peut être, par contre, aussi de faire, entre guillemets, un pré-repérage pour se dire, derrière : est-ce qu’il faut finalement qu’on envoie notre personne faire un test de vidéoscopie ? Ce sont différentes possibilités en fonction des facteurs rentrés au préalable.
Ensuite, Kyriell’, c’est un logiciel qui vous permet de réaliser les menus. On travaille avec l’établissement au préalable sur la réalisation d’un plan alimentaire, de façon à ce que les menus soient équilibrés, de saison et variés, qu’ils répondent également aux différents grammages selon les publics accueillis. De là, ça permet de réaliser des menus où vous avez plusieurs banques d’aliments, de façon à choisir par exemple tel ou tel légume qui est plus favorable pour la personne que vous accueillez. Et vous avez également plus de 1200 fiches techniques qui vous permettent d’avoir les recettes à la fois en texture normale et en texture mixée, et selon les différents grammages des différents publics.
Concernant les fiches conseils, je vous ai mis quelques exemples de fiches conseils : nutrition et handicap, dénutrition et handicap, obésité et handicap… On a également une fiche sur gérer les soins de sonde et la nutrition entérale au quotidien, les repas mixés, comment stimuler l’appétit à l’aide des sens, que faire si le goût est altéré ? Ces fiches sont validées systématiquement par les médecins du conseil d’administration, notamment le professeur Desport et le professeur Jésus. Ces fiches sont réalisées à la demande des professionnels qu’on peut rencontrer dans les établissements et on a également des fiches conseils adaptées au grand public.
Concernant les guides, ce que je vous disais tout à l’heure, vous avez également sur le site à disposition un guide sur les troubles de la déglutition, un autre sur la proposition de structuration des commissions de menus en EHPAD, qui est également applicable pour les établissements qui accueillent du public en situation de handicap.
On a également réalisé des livres. Vous avez un livre qui correspond au visuel d’aide au service du repas, parce qu’on a souvent la difficulté où on nous dit : je ne sais pas quel grammage servir aux convives. Dans ce cas-là, vous avez des photos, notamment la photo du grammage à servir avec le nombre de cuillère pour une texture normale et pour une texture mixée. A la fin, vous retrouvez le référentiel, qui est le GMRCN, qui est le groupement d’étude des marchés en restauration collective, qui a défini les grammages pour l’enfant, les adultes et pour la personne âgée. Vous les retrouvez également à la fin du visuel. Et surtout pour faciliter le quotidien des professionnels, on a voulu le faire en nombre de cuillères plutôt qu’en grammage, parce qu’un grammage va parler à une diététicienne, mais pas forcément à une infirmière par exemple. Ça permet d’avoir des repères au moment des repas. Au milieu, il y a un livre de 50 recettes et fruits crus mixés. Ce sont des recettes pour des personnes notamment avec une texture modifiée, mais on a fait en sorte que ces recettes puissent être également proposées à l’ensemble des convives pour que, par exemple, l’entrée et le dessert soient les mêmes pour l’ensemble des convives. Pour finir, on a réalisé, avec le responsable restauration de l’hôpital Saint-Léonard, qui est sur la Haute-Vienne, un livre avec des fiches techniques et des recettes.
On a eu la demande de l’ARS, étant donné qu’on n’intervient plus directement dans les établissements médico-sociaux mais qu’on est davantage en ressource, l’ARS nous a demandé de réaliser des kits pour prendre en charge tout problème nutritionnel. On en a réalisé trois. Un pour les établissements médico-sociaux, un autre pour les soignants à domicile. Et le dernier pour les aidants professionnels ou les aidants familiaux, également à domicile.
Notamment, sur le dernier, je rebondis sur ce qu’a dit Pierre Jésus tout à l’heure par rapport aux facteurs de risque. On a notamment une fiche qui peut être utilisée par les aidants qui va permettre de connaître les signes évocateurs de la dénutrition et du surpoids. Cette fiche-là peut être ensuite transmise à un professionnel de santé pour que, derrière, il puisse lui-même réaliser le diagnostic.
Donc, au niveau de ces kits, le but, c’est vraiment d’accompagner les professionnels dans le diagnostic du statut nutritionnel, aussi bien de l’adulte que de la personne âgée, qu’elle soit ou non en situation de handicap, et de permettre d’avoir une prise en charge de la dénutrition, du surpoids et de l’obésité. Pour réaliser ces kits, nous nous sommes appuyés sur les différentes recommandations, notamment les recommandations de la HAS, de la SFNCM, du Collectif de lutte contre la dénutrition, du Plan national nutrition santé, de la Société française de nutrition, de l’Association française des diététiciens nutritionnistes, des différentes fiches conseils qu’on met à disposition de CERENUT, de différents articles scientifiques et également des pratiques en EHPAD et en établissements pour personnes en situation de handicap.
Je vous ai remis quelques fiches qu’on trouve dans ce kit, notamment, vous avez le schéma de repérage du statut nutritionnel où vous allez avoir notamment en annexe la fiche de repérage que vous avez sur la droite qui va vous permettre de vraiment prendre les bons éléments pour repérer les différents statuts nutritionnels.
Je ne vais pas rentrer dans le détail, comme ça a été fait préalablement, mais toujours, on insiste sur le poids. Et être aussi vigilants sur le poids de comment on récupère ce poids : est-ce que la personne est pesée habillée ou en sous-vêtement ? Si elle est pesée en sous-vêtement, si possible toujours la peser de la même façon et d’enlever 1,4 pour une femme et 2 kg pour un homme, afin que, quand on a besoin de comparer avec le poids mesuré à l’hôpital, on soit toujours sur les mêmes critères. La taille, pareil, notamment pour la personne âgée : évitez de prendre une taille déclarative ou la taille de la carte d’identité car, en vieillissant, malheureusement, la taille bien souvent est diminuée. Comme on le disait tout à l’heure, il y a la possibilité avec la toise pédiatrique de mesurer la distance talon-genou. On vous met également un tableau d’équivalence en fonction de la mesure que vous aurez trouvée et de l’âge de la personne, ça permet d’avoir directement la taille de la personne.
Et, pour finir, le point de vigilance, c’est l’albuminémie qui n’est plus un critère de dépistage, mais de sévérité. En fonction de la fiche de repérage, de la surveillance alimentaire également qu’on vous met à disposition, de la distance talon-genou, du diagnostic dénutrition, surpoids, obésité, ça vous permet d’avoir une synthèse, selon laquelle vous allez connaître la prise en charge à suivre. Vous allez retrouver les différents documents qui vous permettront de mettre en place différentes mesures.
Je vous ai remis, par exemple, les diagnostics de la dénutrition, surpoids et obésité. Je ne reviendrai pas dessus.
Je vous ai juste, par contre, mis un élément qu’on nous demande régulièrement. C’est notamment sur la stratégie de prise en charge et en particulier un protocole d’enrichissement. Donc, en fonction de la stratégie qui correspond aux recommandations de la HAS, en fonction de la dénutrition et en fonction des apports alimentaires, ça vous permet d’avoir, derrière, un protocole à mettre en place au niveau de la dénutrition pour savoir combien d’enrichissements vous devez mettre en place dans le repas des différents convives qui ont une dénutrition.
On vous a donc mis à disposition des exemples d’enrichissements qui peuvent notamment être utilisés plus facilement à la maison ou par les cuisines, avec notamment des aliments qu’on trouve couramment. Je prends l’exemple des Petits Suisses. On sait que, si on donne par exemple deux Petits Suisses, on est à déjà presque 12 g de protéines. Ce sont des aliments courants mais qui ont un apport en protéines intéressant pour une personne dénutrie. Après, pour les établissements médico-sociaux, le retour qu’on a des professionnels, c’est que c’est compliqué aujourd’hui de vraiment faire du cas par cas. Ce qu’ils nous ont demandé, c’est de proposer un planning. C’est-à-dire que, en fonction de l’apport d’enrichissement que vous avez déterminé, vous allez avoir un protocole, un planning sur une semaine où ça vous permettra également de varier en termes d’enrichissement, notamment sur les collations qui sont données dans les établissements. Ça permet soit de varier avec des crèmes enrichies de différents parfums, ça permet aussi d’enrichir, de faire des recettes de cakes enrichis, des recettes toutes simples, mais qui vont permettre de varier et surtout de garder le plaisir au niveau de l’alimentation et de permettre de réduire la dénutrition. - Stéphanie Baz :
- Excusez-moi, Madame Carole Villemonteix, je vais devoir vous couper car il nous reste deux minutes pour finir le webinaire ! C’était fortement intéressant. Je sais que c’est votre dernière slide. Donc, merci beaucoup. Comme on a eu beaucoup de questions, je voudrais en poser au moins une avant de finir le webinaire. Merci beaucoup. Merci infiniment. On a eu beaucoup de questions sur les textures mixées. Sachez que toutes les questions auront des réponses sur le site Handiconnect, on répondra aux questions par écrit aussi.
Professeur Jésus, est-ce que vous pouvez répondre à ces questions que vous avez vues passer également ? Comment faire accepter à une personne la texture mixée ? Est-ce que cette texture altère les qualités nutritionnelles ? - Pierre Jésus :
- Oui, non, la texture modifiée n’altère pas la qualité nutritionnelle. Si je prends l’exemple de la nutrition artificielle, c’est du liquide. Les patients sont nourris tout à fait normalement avec les apports. Le plus important, avec la texture modifiée, c’est bien sûr l’enrichissement à côté pour atteindre les objectifs, qu’il y ait du goût aussi. Ça, c’est un point extrêmement important, que ce soit le côté salé, sucré, que la personne puisse identifier ce qu’elle mange aussi. Ça, c’est aussi important. Si on mélange tout d’un seul coup dans une bouillie marronnasse, on ne l’accepte pas bien. Et puis, le point le plus important, c’est que la texture modifiée, à un moment donné, elle est nécessaire, donc, pour l’acceptation, c’est vraiment trouver les artifices autour et principalement le goût.
- Stéphanie Baz :
- Merci beaucoup. Madame Carole Villemonteix, il y a beaucoup de personnes qui se demandent si votre centre intervient ou existe dans d’autres régions. C’était très intéressant, ce que vous avez partagé, mais ces questions reviennent.
- Carole Villemonteix :
- On est le seul centre ressources nutrition en Nouvelle-Aquitaine et sur la France. Par contre, il y a d’autres dispositifs comme des structures régionales d’appui qui existent. Il y a notamment la SARE à Nantes qui aide les professionnels et les établissements sur ces problématiques, et également en Bretagne, sur Rennes, il y a la Structure régionale d’appui à la qualité des soins et de la sécurité qui peut accompagner les établissements sur ces problématiques.
- Stéphanie Baz :
- Parfait. Merci beaucoup. Je suis désolée, on ne pourra pas prendre les autres questions, il est 14h. Mais on va y répondre sur le site d’Handiconnect. Merci infiniment à nos intervenants, c’étaient des interventions de grande qualité. Merci à eux. Merci à l’aspect technique, à Anne-Charlotte et Odile pour la modération. Merci à tous nos partenaires, Jules, si tu peux mettre la slide de remerciements pour les partenaires, car Coactis Santé ne pourrait pas exister sans eux, et puis moi, je vous donne rendez-vous en 2025 pour le prochain webinaire qui aura lieu sur le thème du cancer et du handicap, ce sera le 4 février prochain. Merci à tous pour votre participation. Le replay sera disponible dans les prochains jours et vous le recevrez par mail avec toutes les ressources qui ont été citées pendant ce webinaire. Merci à tous.